lundi 7 décembre 2009

A quoi penses-tu, Ariane ?

La clôture longe le bois d'eucalyptus, et les barrières que l'on ouvre et referme tout au long du chemin, dessinent les enclos où l'on sépare le bétail. On passe ainsi nombre de frontières, qui délimitent le territoire des taureaux en fonction de leur classe d'âge. Les ombres noires et brunes, passent, nonchalantes. Le pas lent de ces masses en mouvement, laisse des traces de sabots en demi-lune, sur le sol à peine humide. On les dérange et ils se déplacent à regret chaque fois que l'on passe en voiture. Les cornes blanches, ponctuent leur tête de parenthèses qui déchirent l'horizon ou le ciel et semblent vouloir dire l'essentiel de la vie, de la mort. Sur leur pelage couleur châtaigne, cendre, ébène ou bien savon, le fer a laissé chiffres et blason. Un solitaire a quitté le clan, il s'éloigne, sur la terre rouge, couleur de sang, comme une prémonition. Il est peut-être là, ce taureau dont le matador rêve, les nuits sans fin de l'insomnie. Il lui a déjà dessiné de rares véroniques de son manteau de combat, ouvert comme l'aile d'un papillon. Sa main gauche, imprime au tissu de serge rouge la quintessence de la lenteur, les secondes transformées en heures. Il sent le souffle fort, chargé du musc de la terre, comme une haleine qui lui frôle le corps. Il est si près dans cet attardement. L'autre charge, il bondit, il conquiert. Le matador lui, comme un arbre, les pieds plantés dans le sable, écarte un peu le bras pour canaliser la charge. "Le génie a des nonchalances, mais une prestesse de grand fauve. Le génie est une paresse attentive. On guette sans cesse et l'on trouve une fois, par surprise". Dans ce rêve-ci, le matador a du génie !
Les taureaux ne font pas de rêve, ils tournent autour de la mangeoire, le museau couvert de fils d'or, ils mastiquent lentement. Le 64 me regarde fixement. Immobile, il concentre dans ce regard noir comme la nuit des premiers hommes, tous les orgueils de sa race. Il reste là, tout entier, suspendu dans ce regard, et puis s'éloigne condescendant en contournant le tas de pierre où s'est mis à pousser un figuier. Le minotaure, me plante là, dans le labyrinthe de mes pensées, dont j'ai perdu le fil.

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