
"Interroger la présence du Parthénon dans l'Athènes d'aujourd'hui ne signifie pas seulement interroger le témoin d'un temps définitivement révolu. S'il a survécu à tout cela, ce n'est pas comme un vestige anthropologique, un outil bizarre, un objet cultuel. S'il continue à attirer le regard, c'est qu'il libère une énergie active, c'est qu'il impose sa propre perspective". Le silence se trouble, les premiers touristes grimpent le sentier. Des japonais, chapeautés, gantés, s'abritant du moindre soleil, fixent le sourire des cariatides, impassibles dans leur drapé de marbre. Puis, soudain, sous l'éclatante blancheur du jour qui s'écoule, l'ombrelle noire d'une visiteuse. Sa silhouette sombre sculpte une ombre qui grandit sur le mur du temple, l'Erechteion. Elle avance lentement, seule, comme on parcourt ses souvenirs. Elle pose parfois sa main sur la pierre, elle cherche à sentir battre le coeur de l'Acropole, sanctuaire inacessible, à la vieillesse saccagée. L'ombrelle pose une ombre, sur un monde éteint, à ciel ouvert. Quelle certitude vient-elle chercher dans les plis et replis du marbre, où le ciseau du sculpteur a taillé l'illusion de la vérité? La beauté affleure, partout et si puissamment que j'entrevois, parfois, un tressaillement de la main qui s'accroche à l'ombrelle. La promeneuse contourne un échafaudage, s'arrête, enlève la poussière qui s'accroche à sa jupe. Elle fait tournoyer l'ombrelle comme un moulin à vent. Oui, un petit moulin dont les pâles noires se laisseraient emporter par le vent grec. Avec la pointe du pied, elle s'assure de la sûreté du chemin, à peine quelques cailloux roulent sur son passage. La visiteuse semble venir d'un autre temps, où des jeunes femmes corsetées supportaient sans faillir la chaleur suffocante d'Athènes. Tout à coup, des bouffées nostalgiques se donnent rendez-vous tout au fond de ma gorge, jouant des coudes pour m'empêcher de respirer. La dame, dont je ne vois pas le visage, flotte, un instant suspendue en haut de la colline, tout contre le ciel et referme son petit parapluie, en disparaissant au détour du sentier. J'ai eu juste eu le temps d'apercevoir une déchirure dans la toile de l'ombrelle!
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