dimanche 6 décembre 2009

Acropole

Il faut se lever tôt pour arriver les premiers, tout en haut de l'Acropole, regarder le jour caresser les colonnes du Parthénon. Les dieux, que la première lumière chatouille, s'abritent sous les colonnes des propylées. Athéna, fille de Zeus, a délacé son égide pour profiter de la fraîcheur du matin, et marche sous les oliviers. On dit que c'est elle qui planta le premier. La ville se réveille à nos pieds. Le soleil, plus fort, donne à la pierre la couleur des blés mûrs. A flan de colline, la géométrie du théâtre de Dionysos, dessine ces demi-cercles concentriques.
"Interroger la présence du Parthénon dans l'Athènes d'aujourd'hui ne signifie pas seulement interroger le témoin d'un temps définitivement révolu. S'il a survécu à tout cela, ce n'est pas comme un vestige anthropologique, un outil bizarre, un objet cultuel. S'il continue à attirer le regard, c'est qu'il libère une énergie active, c'est qu'il impose sa propre perspective". Le silence se trouble, les premiers touristes grimpent le sentier. Des japonais, chapeautés, gantés, s'abritant du moindre soleil, fixent le sourire des cariatides, impassibles dans leur drapé de marbre. Puis, soudain, sous l'éclatante blancheur du jour qui s'écoule, l'ombrelle noire d'une visiteuse. Sa silhouette sombre sculpte une ombre qui grandit sur le mur du temple, l'Erechteion. Elle avance lentement, seule, comme on parcourt ses souvenirs. Elle pose parfois sa main sur la pierre, elle cherche à sentir battre le coeur de l'Acropole, sanctuaire inacessible, à la vieillesse saccagée. L'ombrelle pose une ombre, sur un monde éteint, à ciel ouvert. Quelle certitude vient-elle chercher dans les plis et replis du marbre, où le ciseau du sculpteur a taillé l'illusion de la vérité? La beauté affleure, partout et si puissamment que j'entrevois, parfois, un tressaillement de la main qui s'accroche à l'ombrelle. La promeneuse contourne un échafaudage, s'arrête, enlève la poussière qui s'accroche à sa jupe. Elle fait tournoyer l'ombrelle comme un moulin à vent. Oui, un petit moulin dont les pâles noires se laisseraient emporter par le vent grec. Avec la pointe du pied, elle s'assure de la sûreté du chemin, à peine quelques cailloux roulent sur son passage. La visiteuse semble venir d'un autre temps, où des jeunes femmes corsetées supportaient sans faillir la chaleur suffocante d'Athènes. Tout à coup, des bouffées nostalgiques se donnent rendez-vous tout au fond de ma gorge, jouant des coudes pour m'empêcher de respirer. La dame, dont je ne vois pas le visage, flotte, un instant suspendue en haut de la colline, tout contre le ciel et referme son petit parapluie, en disparaissant au détour du sentier. J'ai eu juste eu le temps d'apercevoir une déchirure dans la toile de l'ombrelle!

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