mercredi 6 janvier 2010

Halong, le livre de la jonque

Silence du soir qui tombe sur la baie, à peine dérangé par le clapotis de la jonque ventrue qui glisse sur le miroir de l'onde. Les îlots se croisent, dans le reflet d'un scintillement d'écailles de poissons d'argent. Un monde immobile, posé sur l'eau, s'endort, tandis que des sifflets retentissent aux sommets des rochers, là où les oiseaux nichent pour la nuit. Le cuisinier de la jonque répond par la mélopée lancinante d'un chant de la rivière, là haut dans le nord. Qu'est-ce qu'un instant d'éternité? L'absence de mouvement, l'air en suspend, la nature qui retient son souffle et vous entraîne dans cette interminable apnée. La paix, mêlée d'un soupçon de crainte, quand la terre s'étonne encore de voir mourir le jour.
Halong, veut dire la descente du dragon, on raconte que le paysage exceptionnel de cette baie serait dû au dragon, qui serait descendu dans la mer pour domestiquer les courants marins. Se débattant, il aurait ainsi entaillé la montagne avec sa queue. Et comme le niveau de l'eau serait monté, seuls les sommets les plus élevés auraient émergé. Le peuple de la mer, qui oscille entre ciel et terre, se prépare à la nuit. Un pêcheur tire un trait d'écume sur sa journée, il rentre flotter à la maison, tandis que les dragons ronflent en silence. La nuit est là, noire comme l'encre de chine. Pas de lueurs, pas de lumière, pas d'étoiles, pas de vent. Juste l'odeur âcre des senteurs de fond de cale. Une nuit comme on n'en voit plus en occident, insondable, vampire noctambule qui a ouvert sa cape et qui ne lâchera sa proie qu'une fois le petit jour revenu. Le sommeil des pêcheurs fourbus commence, oubliés de tous, dans la moiteur verte de la baie d'Halong.
A l'aube, un "grain" s'est approché, la pluie claque sur les hublots, un seau roule sur le pont. La lune éclaire la mer, qui tape en vagues régulières contre la coque. Le matin est arrivé, gris et brumeux, les pêcheurs sont au travail, depuis hier, depuis toujours, et avant eux le père de leurs pères. Je regarde Halong ruisseler, tandis qu'une barque amène quelques enfants à l'école du village flottant. Un milan passe, ses ailes déployées... je sais que je ne reviendrai jamais, comme partout où je voyage. Je laisse derrière moi des destinations mille jours espérées. On ne retourne pas là où on a concrétisé un rêve, on l'emporte avec soi à tous jamais... un jour on repensera au petit garçon appliqué, qui apprenait à écrire l'alpha...Baie !

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