dimanche 8 novembre 2009

Y'a pas de mot...

Y a pas de mot,
Plus doux, plus fort, plus chaud - Que ton regard amoureux
Y a pas de mot pour être heureux .Y a pas de mot
Pour dire tout ce que je vois briller au fond de tes yeux
Y a pas de mot pour être heureux
Viens ma fleur, mon bel arbre de vie, plonger tes racines au coeur
De ma terre assoiffée d'ombre, de silence et d'infini...
Ces paroles d'une chanson d'Higelin me sont revenues en mémoire. Y'a pas d'mot...
Un joli titre pour un blog. L'essayer c'est l'adopter... et Image et mot existait déjà, alors...
Alors Y'a pas d'mots, parfois une simple image. Le soleil qui taquine un pan de toile de jute, oublié au vent sur un chantier, à Ubeda.
Ce jour d'octobre, doux comme le miel, une lumière blonde se lovait dans chaque interstice de la pierre. Où que vous marchiez, le regard s'accrochait sur une pierre d'angle, la sculpture d'une fontaine, l'arche d'une porte...un musée à l'air libre et des accents italiens venus de la Renaissance.

Nous sommes en 1591, un saint homme poête et mystique, vient de rendre l'âme d'une fièvre maligne, dans un couvent d'Ubeda: Saint Jean de la Croix. Doña de Mercado et son frère Don Luis, qui avec le défunt avaient contribué à la construction du couvent de Ségovie, conçoivent le dessein d'y transporter le corps du saint homme. Ils s'attendent à une opposition vive de la part des moines et de la population d'Ubeda. On envoie donc, secrètement un alguazil de ville (officier de police), avec ordre de déterrer le corps et de le transporter à Ségovie. A la nuit, l'homme s'enroule dans une cape noire et dans toutes sortes de mystères. A l'heure où les moines cherchent le repos, avant que sonnent les laudes, l'alguazil fait ouvrir le sépulcre où on a placé le corps, neuf mois plus tôt. L'officier abasourdi, découvre le corps intact, frais et entier: " il exhalait de la dépouille une odeur si suave, qu'on renonça à l'enlever, le parfum eut dénoncé le larcin...". on se contenta de le couvrir de chaux et de terre en attendant de pouvoir le déplacer.

Les mois passent, huit, peut-être neuf, l'alguazil revint à Ubeda, toujours avec les mêmes instructions: transférer le corps de Jean de la Croix. Cette fois le cadavre semble plus sec mais toujours cette odeur suave se répend dès l'ouverture. Il prépare une caisse, la plus petite possible et y place le corps. Encore une fois, dans le silence de la nuit, l'alguazil se glisse comme une ombre, hors de la ville. Avec son escorte, ils prennent les routes autour de Jaen, loin de la grande route de Madrid, préférant des sentiers déserts aux heures les plus calmes de la nuit.

Au moment même de l'enlèvement, un moine se réveille en sursaut, couvert d'une sueur moite et acre qui aussitôt lui glace le dos. Une voix puissante, venue de nulle part, comme suspendue, remplit sa cellule austère : " lève-toi, on enlève le corps du bienheureux Jean de la Croix ! " . Effrayé, mais sûr que cette voix le guide, le moine court vers l'église prévenir le prieur qui garde la porte et lui ordonne le silence. L'alguacil enlève le corps sans être inquiété. Une fois sur les routes, au sommet d'une crête rocheuse, une apparition étrange, un homme baignant dans la brume ordonne au convoi de rapporter le corps de Jean. Terrorisés, les cheveux dressés sur la tête, l'alguazil et sa garde se regroupent autour de la caisse, entourée d'une auréole lumineuse couleur d'opale. Ils reprennent courage près de la précieuse relique et chevauchent de plus belle sur la route, pour rejoindre en hâte Ségovie.
A peine connu la nouvelle de l'enlèvement, la population d'Ubeda rentra dans un immense émoi, tristesse et colère anime chaque habitant. Les représentants de la ville en appelle à l'arbitrage papale : " qu'on nous rende le corps de notre bienheureux Jean de la Croix! ". Ségovie ne cédait pas, le pape dans l'embarras, dû trancher. On se prononça en faveur d'Ubeda, et l'évêque de Jaen fut chargé d'exécuter la sentence. Segovie ne s'en laissa pas conter, Ubeda mobilisa ses partisans. Les villes, à cran, ne cédeaient pas d'un pouce. D'invectives en violence, on se demandait alors jusqu'où pouvait mener cette folie partisane.
Jusqu'à ce qu'on décidea, sans scrupule, de satisfaire les deux parties: on coupa le saint en deux!
Y'a pas d'mots, non, y'a pas d'mots !
Merci à Antoine de Latour pour son livre sur l'histoire de l'Espagne édité en 1855



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