jeudi 5 novembre 2009

Une seule question, une seule!

La radio est un vecteur incroyable. Pour y avoir officié pendant plus de 15 ans, je sais la puissance évocatrice que peut avoir une voix, une ambiance sonore. Ainsi, une bonne partie de la nuit, grâce à une petite oreillette, j'écoute les grandes ondes. Celles que l'on cherche et qui grésillent et puis se perdent. Des voix inconnues traversent la Manche, d'autres venues de France franchissent les Pyrénées aussi promptes qu'un isard.
Souvent vers quatre heure du matin, Jordi Tuñon, sur Radio Nacional España, vient lézarder tous les sommeils. Véritable "allumé" de la nuit, il bouscule tous les critères traditionnels des canons radiophoniques: pas de voix douce et profonde, pas de musique langoureuse, pas d'épanchement d'auditeurs en mal de vie. Tout le contraire. L'explosion d'une voix gaie et forte, des sujets loufoques, des auditeurs dégentés, le tout copieusement arrosé d'une musique dingue sortie de dessins animés de Tex Avery. Si tu dors, je te tue!

La nuit dernière, Jordi Tuñon interpelle les auditeurs: "Imaginez qu'un peuple extraterrestre vienne sur terre. Il peut répondre à tout, sur n'importe quel sujet. Leur chef vous fait une faveur, répondre à une et une seule de vos questions. Qu'elle serait-elle?".

Les appels ont afflué au standard.

Beaucoup de questions métaphysiques : Les anges existent-t-ils?, qu'y a-t-il après la mort?, qui suis-je? pourquoi l'homme?...

Des auditeurs en ont profité pour régler leurs comptes: Pourquoi ma femme m'ennuie-t-elle autant depuis le premier jour? Comment puis-je tuer ma belle-mère?

D'autres ont égoïstement préférer demander les combinaisons gagnantes de l'euromillion ou des codes d'accès d'une banque...

J'ai fait comme tout le monde, je me suis creusée la cervelle. Une question, une seule. Et au bout une réponse, qui pourrait satisfaire la plus émoustillante de mes curiosités. Oh pas une réponse à me rendre ni plus riche, ni plus belle, ni moins vieille! Non, une réponse à vous couper le souffle, à vous faire exploser la cervelle, rien qu'en déchirant d'un coup sec le voile de l'ignorance, une de ces révélations qui vous change un homme, qui vous fait traverser d'un bond les limites du savoir, qui vous fait prendre corps dans une universalité sans borne, où l'infiniment petit flirte avec les géants. Oui, comprendre tout, à saciété, se vautrer dans la connaissance comme un goinfre, s'empiffrer de tous les savoirs en une seule et gigantesque bouchée, avaler conscience et préscience avec la voracité d'un goulu, engloutir la moindre information à en faire chialer Platon, qui était sûr que la connaissance seule pouvait mener vers le bien...

Bon sang, elle ne venait pas cette question! Il y avait peut-être quelque chose à voir avec Dieu? mais franchement savoir s'il existait ou pas ne changerait pas grand chose. Cela aurait fait tout drôle à un de mes copains, curé (dont j'étais presque sûr de la question...) de repartir, en apprenant que Dieu n'existe pas. Il aurait accusé le coup, puis serait retourné à ses activités: écouter, servir, panser les plaies des âmes. Redoublant d'efforts, le coeur au bord des lèvres, le secret bien enfoui, on ne prive pas les coeurs simples d'apaisement!

J'ai cherché du côté de Freud et de Jung si je n'avais pas un petit quelque chose à terminer. Une de ces introspections qui serait restée sans réponse, ou un rêve enfin décrypté...En passant j'aurais pu réconcilier toutes les branches de la psychanalyse qui n'en finissent pas d'agiter le cocotier! J'avais tant à faire avec ma propre histoire que je ne savais pas par où colmater... oups! commencer, encore un lapsus!

Il fallait bien faire trouver quelque chose, ils étaient là à me regarder avec leurs antennes longues comme le bras et leurs tentacules posées sur le tableau de bord de leur vaisseau. Le chef qui portait une casquette en coton rouge (oui, c'est très à la mode là bas), m'a fait signe d'approcher. J'ai fait un pas en avant, en tortillant le pan de ma jupe écossaise (non, très peu à la mode, ici) .

- Je suis le grand Yuipolklemmekdood, pose ta question et je te répondrai....

J'ai raclé ma gorge, essuyé un peu de sueur qui perlait à mon front et d'une voix mal assurée, j'ai interrogé le grand chef.

- Ca va ?

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