lundi 1 mars 2010

Brèves de comptoir

La serveuse apporte une assiette d’olives vertes, cassées, recouvertes d’une huile couleur d’ambre. Ovales et grosses, elles ont le goût de l’ail nouveau et du thym et du romarin. Posé sur le bar, le jambon sur son support de bois, laisse voir une chair brillante, d’un rouge sombre, striée par endroit de graisse blanche. J'en recommande quelques tranches, pour sentir le goût sauvage, des promenades à l'automne, au milieu des chênes. Au dessus du comptoir, on a suspendu des chorizos et des anneaux de boudins noirs et sur le mur de pierre, un vieux licol.
Accrochée à une patère, une canne, taillée dans du bois clair, attend son propriétaire. Le client qui l’a laissée, embrumé des vapeurs de Rioja, est reparti, droit comme un i, laissant près du comptoir, une infirmité qu’il a parfois du mal à oublier.
Je n’ai pas d’histoire à raconter, ce soir de match, où le Real Madrid affronte le Betis de Séville. Une quinzaine d’hommes, les yeux rivés à l’écran, tressaillent quand les joueurs s’approchent des cages de buts. Ils piochent aveuglément dans une coupelle, remplie de cacahouètes, que bizarrement ici on sert presque brûlantes. La serveuse, entre deux clients, passe son temps à remettre sa montre à l’heure, en souriant. J’imagine qu’elle s’amuse à avancer la fin de son service, elle se fait plaisir par anticipation. Elle est la reine du monde, elle maîtrise les aiguilles du temps qu’elle avance ou recule au grès de son humeur et des générations entières de patron ne peuvent rien y faire. C’est elle qui choisit le rythme de son temps. Son sourire, juste là, à cet instant, cette jouissance effrontée, est la plus belle chose qui me soit donnée à voir à ce moment !
Je pique avec la fourchette, de petits artichauts tendres, rissolés et couverts de gros sel. Le patron mâchonne un cure-dent et hurle « goooooooooooooooooal » quand le ballon frôle les cages et à chaque fois, le cuisinier sort en trombe de sa cuisine, une toque plate, posée de travers sur ses cheveux longs, noirs et bouclés,
- qui, qui, a marqué ?
Cette fois je goûte des petits morceaux de boudin noir, dont la peau craquelée laisse échapper une peau onctueuse et grasse à la saveur anisée et des fèves aux oeufs brouillés.
-gooooooooooooooooooooal !
Le cuisinier sort comme un fou de la cuisine, Seville 2 Madrid 1, les partisans du Real, crucifiés, hochent désespérément la tête. J'en profite pour commander un "tinto de verano", un vin rouge que l'on mélange à de la limonade.
L'entraîneur, multiplie les changements, et la serveuse, confrontée à la réalité du temps qui passe, s'effondre sur une chaise, un verre d'eau à la main... encore deux heures de pain sur la planche !
Rien ne sert de mentir, on doit partir à point.

1 commentaire:

  1. dis, je peux venir dans ton bar magique?
    à quand les odeurs sur le net?
    gracias y salud!

    Maryse

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