jeudi 25 février 2010

Giffle de pluie

Le ciel est fendu, comme une pierre de taille, il craquèle et s'effondre en gerbe sur l'Andalousie. Des franges noires de nuages lourds glissent au ras des collines. Il pleut sans discontinuer depuis des semaines sur les terres du sud qui n'en demandaient pas temps. A force d'implorer Dieu et Madone, pour que les champs brûlés par le feu de l'été, se couvrent enfin de rosée, les limbes lassés de tant d'oraisons ont fini par craquer! Ils déversent sans fin des trombes d'eau que les champs rouges ont fini par ne plus absorber. D'immenses mares boueuses attirent quelques oiseaux bravaches, là où il y a peu, la sécheresse brulait leurs pattes. Les taureaux prennent des airs de circonstance, figés, les sabots dans la boue, ils dressent vers le ciel un mufle humide qui guette la fin des averses. Ils ne se battent plus, ils piétinent, ils ne descendent plus vers la rivière, ils s'embourbent dans les flots de vase qui engluent la rive, ils ne paressent plus sous les chênes, ils s'abritent des rafales. Les fiers combattants ont perdu leur superbe, le poil terne, les cornes couvertes d'une terre noire, ils rêvent de soleil, de sieste sous les arbres, et qui sait, les étalons graciés repensent au triomphe de l'an passé... Les taureaux, dans les ornières, attendent l'accalmie sous le ciel noir. Un halo de vapeur grise, leur donne des allures de fantômes.
La pluie est venue les surprendre au cœur de l’hiver, pourquoi n’a-t-elle pas attendu la douceur du printemps pour faire croître sous leurs sabots, un beau tapis d’herbe verte et grasse ? Les taureaux voudraient se gorger de soleil! A défaut de combat, il s'arme de patience.
Parfois un soleil timide irise les champs, une lumière jaune pâle souligne les fleurs jaunes du mimosa, dont les parfums entêtants arrivent jusqu'aux barrières. Mais le ciel tire vite le rideau et déploie des voiles de pluie froide. Les chiens ont trouvé un abri, ils se pelotonnent près de la porte-fenêtre où s'insinuent les bouffées d'air chaud de la grande cheminée. Les labradors aiment l'eau, mais pas ces lames froides qui dégringolent d'on ne sait où et vous glacent l'échine, le plus jeune ne court même plus derrière les poules. Le ciel est encore descendu d’un ton, les nuages plombent d’anthracite la moitié du paysage et rapprochent l’horizon. La campagne Sévillane ne se reconnaît plus dans tous ces tons de gris, qu’elle a si peu connus. Le petit pont de fer qui enjambe la rivière doit faire le grand écart, devant la folie d’une rivière qui croit qu’elle devient fleuve. Devant l'entêtement du ciel, les hommes ont fini par prendre la pluie au sérieux, ils se sont mis eux aussi à regarder le ciel. Ainsi, près de Séville, sur les collines de chênes liège on peut voir le peuple des hommes, et celui des taureaux, sous l'interminable jour gris... ils regardent pleurer le ciel!

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