mercredi 10 mars 2010

Le facteur n'est pas passé...

On n'écrit plus jamais à personne. On ne se raconte plus, on se téléphone. Où diable est passée cette fébrilité impatiente , qui nous faisait courir jusqu'à la boîte aux lettres? Nous guettions alors, ce porteur de nouvelles, à l'uniforme élimé, qui d'un signe à sa casquette, nous souhaitait, quand il n'y avait pas de courrier, une bonne journée. La sacoche pleine, le messager poursuivait sa tournée, réchauffé par quelques gouttes de vieille gnole, qu'à cette époque, un parfait fonctionnaire n'aurait pu refuser.
Elle arrivait enfin, la missive attendue, que l'on décachetait, les mains tremblantes et le coeur à l'arrêt comme un fidèle chien de chasse.
Enfin des nouvelles de Vincent:
"Là - revenu ici je me suis remis au travail. le pinceau pourtant me tombant presque des mains et - sachant bien ce que je voulais j’ai encore depuis peint trois grandes toiles. Ce sont d’immenses étendues de blés sous des ciels troublés et je ne me suis pas gêné pour chercher à exprimer de la tristesse de la solitude extrême..."
et cette enveloppe bleue, un message d'Arthur :
"Nous sommes aux mois d’amour ; j’ai presque dix-sept ans. L’âge des espérances et des chimères, comme on dit, - et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la Muse, - pardon si c’est banal, - à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations, toutes ces choses des poètes..."
Cette écriture, cette signature étoilée, c'est un petit mot de Jean :
"Les circonstances te permettraient de me suivre je passerais toute ma vie dans ce décor. L’hiver très doux à cause de la dune qui protège. Les villes me blessent - me séduisent - me contaminent - rien à faire lorsque je m’y trouve."
Aujourd'hui, mon facteur ne se déplace plus qu'en mobylette en charriant des monceaux de factures sans âmes, que j'aimerai ne jamais ouvrir. De toute façon il ne monte plus à cause du digicode.
Ecrivons-nous, prenons le temps de quelques lignes (au stylo plume) pour dire tout ou bien rien... Glissons la lettre dans l'enveloppe (parfumée serait un plus), choisissons un joli timbre et affrontons le vent glacial, pour glisser dans la boîte jaune, la surprise que l'autre n'attend plus. Rendons sacrés les mots qu'on n'écrit plus... Une lettre c'est comme un papillon, c'est une rencontre qui, sous l'apparence d'une circonstance fortuite, dit souvent l'essentiel, les yeux dans les yeux sans ciller.

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