mercredi 3 mars 2010

Ecrire

Ecrire, partout, tout le temps. Remplir d'innombrables cahiers de pattes de mouche, noire comme l'encre noire de la Chine.
Ecrire, comme un écolier appliqué, tous les matins le nez plongé dans ses exercices, ou faire l'écriture buissonnière en emportant ses cahiers dans sa besace, là où le vent tourne lui même les pages. Ecrire, comme on fait des gammes, laisser les virgules et les points d'exclamation battre la mesure du métronome grammatical, pour qu'un jour la symphonie des nuances et des silences se glissent sur la page.
Ecrire, sans rien dire, au nez et à la barbe des passants devant la terrasse, qui jamais ne sauront qu'ils se promènent aussi dans les livres.
Ecrire, à en perdre son latin, quand les verbes et les accords tiraillent les accents et s'accouplent aux S majuscules.
Ecrire, dans le silence de la nuit, quand le monde endormi, ne sait pas qu'on l'épie et que les moindres soubresauts de la planète sont prétextes à des lignes remplies puissance n.
Ecrire, et dire un à un les visages, qui autrement un jour, se confondent et s'oublient.
Ecrire, les tâches salées des larmes qu'on aurait autrement ravalées, écrire les rires aussi, quand ils éclatent, clairs et spontanés.
Ecrire, à la plume sergent major, qui trace les pleins et les déliés en frottant lascivement sur le papier, la lame métallique à intervalle régulier.
Ecrire, les échos de l'enfance quand le clairon sonne la dernière charge de la vieillesse. Les mains nouées d'arthrose, racontent les étreintes d'autrefois, quand les doigts empoignaient les hanches des amants.
Ecrire, pour toujours, ne plus jamais s'arrêter. Ecrire à hurler, écrire à pleurer.
Ecrire, et oublier l'histoire, juste pour le plaisir d'écrire, jusqu' à faire mal, parfois.
Ecrire, embarquer les gens du livre, et les laisser dériver au fil des pages, pour qu'ils se racontent eux même. Oui, les laissez faire.
Marguerite Duras, qui derrière la transparence du cadre me regarde, me lance un regard cinglant:
- La plus forte histoire de toutes celles qui peuvent vous arriver c’est d’écrire. Je n’en ai jamais eues d’aussi violentes. Ecrire, D’où ça vient ? Il faut laisser faire quand on écrit, il ne faut pas se contrôler, il faut laisser aller parce qu’on ne sait pas tout de soi. On ne sait pas ce qu’on est capable d’écrire.

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