samedi 19 mars 2011

Le monde de Phay

Phay ne m'attendait pas. Il vit près de la briqueterie à laquelle on accède par le "train bambou". Les briques mettront près d'un mois à sécher, et sont façonnées à partir d'un argile plutôt jaune, que l'on conserve, humide, sous une bâche de plastique. La terre, Phay, ni touche pas, jamais.
J'aime travailler la glaise, j'y enfonce mes doigts, la modèle, et la malaxe, elle grave et les ongles et les doigts, les frôlements et les pétrissages. La terre, le taire. On dit avec ses doigts ce que le moi veut taire. Petit à petit je modèle une tête, aux oreilles décollées, au nez un peu crochu, aux arcades sourcilères marquées.
Phay, ne me quitte pas des yeux. La terre lui joue des tours, elle invente un visage de croquemitaine qu'il n'a jamais rencontré. Pour la première fois, il s'approche de l'argile qui dort, il détache une motte et voilà que ses mains se réveillent: un rhinoceros, et puis un éléphant...

Le geste est sûr, les mains agiles, les formes quasi parfaites. Son père est formel, jamais Phay n'a sculpté dans la glaise.

Phay est un dieu, qui au sixième jour invente encore le bestiaire qui dormait dans sa mémoire. Phay est un artiste, et la terre qui ne servait qu'aux briques, est une toile où s'accrochent les couleurs de son monde intérieur.

"Je deviens la mélodie ou la statue, et pourtant la mélodie et la statue restent extérieures à moi ; je les deviens pour qu'elles soient elles-mêmes." Je cède à l'enchantement

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