lundi 7 juin 2010

Eternels instantanés

Woman, I can hardly express,
My mixed emotion at my thoughtlessness,

L’été d’il y a trente ans, commence par une mélodie de Lennon.
Un été jean et packman, illuminé de vingt bougies et saupoudré de grains de sable chaud. Des illusions plein les poches, dans une Europe emmurée, des livres plein la tête que la Tramontane feuillette lascivement et les mélodies de Joan Baez qu’on arpège dans la nuit, autour de patates en robe des champs que couve un nid de braises. Des petits cailloux blancs se glissent parfois dans la sandale, sur le chemin pentu qui mène aux falaises. On plonge dans l’eau claire et glacée pour remonter de petits morceaux de nacre rosé qu’on portera au cou une partie de l’hiver. La peau exhale des senteurs de verveine citronnelle, ou de chèvrefeuille, et dore comme un petit pain dans le four aux premières expositions au soleil. Un été de vingt ans banalement unique et rare, dont on suppose naïvement, qu’il va durer cent ans! Ma cinquantaine y pense encore…
Comment parcoure-t-on le chemin qui mène à aujourd’hui ? Avec quels bagages ? Qui rencontrons-nous, de quoi se charge-t-on, que laissons-nous sur le bas-côté, qu’apprenons-nous en route ? Sait-on bien où l’on va ? Mystère ! On perd parfois des compagnons en route et voilà qu’au croisement nous attend, assis sur une borne, un ami de toujours...
Philippe est devenu photographe. Ni professionnel, ni amateur, non, photographe ! Un artiste qui en libérant les perspectives, emprisonnent les émotions dans sa boîte noire. Vous, vous traversez simplement la rue pour rejoindre le boulevard, et lui, voit des géométries que le béton trace au cordeau, dans l’ombre du soir. Les pieds dans l’herbe du parc, vous regardez au loin, lui, s’accroche aux ailes blanches d’un cygne et déclenche à l’instant précis, où le cou gracile de l'animal se tord en un anneau. Il est partout, l’œil aux abois, la sensibilité à fleur des peaux pour réinventer les corps. Il se joue des ombres et se faufile dans l’entre-deux de la lumière.
Il y a comme un déchirement dans son travail photographique, une fissure dans la linéarité du bonheur, une indéfinissable craquelure par laquelle s’échappe un peu le monde, cru et sans voile.
Derrière l'esthétique absolue, les fêlures insoupçonnées; derrière la beauté des corps, l'ombre des âmes; derrière les regards, des questions... quelque fois sans réponse. Qui pause s'expose et livre sans crainte des parcelles infimes de son intime. Pas de jeu de cache-cache et pas de faux semblants, il dit l'essentiel, souvent en noir et blanc...
Trente ans plus tôt, il fredonnait Lennon:

1 commentaire:

  1. hello Maia ! c'est vraiment un bel hommage que tu rends à ce photographe de talent. ses photos sont magnifiques et ton texte est tellement juste !
    bon dimanche
    bises

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