jeudi 22 avril 2010

A couper le souffle !

La mer à ailes déployées, un radeau arrimé à un cargo rouillé... l'un dévale la colline, l'autre s'enfonce dans la transparence bleutée. Il frôle la carcasse, il en guette les contours, il glisse à tribord en caressant la carène, il inspire et d'un coup de rein plonge... la dentelle de ferraille lui dessine une porte et le faisceau de sa lampe m'aveugle. Il s'insinue par l'ouverture en dessinant les ombres, il passe de l'autre côté de la lumière. Sa torche dessine un nom, tandis qu'à la surface on négocie encore.
La mer, comme un architecte patient, a tracé un dédale où un Thésée de néoprène, abandonné d'Ariane, s'invente un fil conducteur. Il m'entraîne. Il tarde à faire surface, dehors, on en finit pas de regarder la montre, où les aiguilles traînent les pieds pour faire le grand tour.

Déjà 2'50 que je retiens mon soufle dans les méandres de l'épave, je n'ai jamais plongé aussi longtemps. La lueur rampe sur des passerelles de métal, grimpe le long des portes de sas et se perd dans la cale. Mes tempes jouent du tambour, mon coeur s'embouteille sur les grandes artères, chaque centimètre de mon corps aspire goulument l'ultime parcelle d'oxygène, mes yeux tirent les rideaux, respire, respire ! Mais quoi? je n'ai plus rien à inspirer, juste garder de quoi remonter... Je ne tiendrai pas.

2'56, il hisse un corps, lourd comme les semelles de plomb d'un scaphandrier qui ne rejoindra plus la surface... Impossible de continuer, je suffoque. Remonter, tout de suite, vite, à bout de souffle, encore perdu... Lui, il est resté.

3'21, il refait surface, ses lèvres dessine le O d'oxygène, il aspire lentement, il a encore gagné ! Sur le radeau ils sont médusés !

J'ai passé et repassé cent fois cette scène du Grand Bleu, je n'ai jamais pu relevé le défi. Entraînée, chronométrée, mentalisée, je suffoque toujours au bout deux minutes à peine, et encore les jours où je tiens la forme !
Luc Besson me met au défi depuis 22 ans !
Essayez d'affoler Chronos en retenant sa respiration, impossible! A moins d'être un champion.
La voilà, la goutte de génie qui fait déborder l'Océan des talents : Luc Besson nous oblige toujours à l'improbable : voir le métro faire surface, s'enticher d'un tueur amoureux d'une plante verte, câliner une machine à tuer, entendre le chant d'une gorgone, sauter à pied joint dans une bande dessinée!
Au diable les grincheux qui ruminent leur ennui à la surface et se contentent d'un bocal, pour faire tourner en rond leur manque d'imagination.
A l'impossible Luc, lui, est tenu ! Lorsqu'il vous tient, il ne vous lâche plus.
Qui l'aime le suive, pour rejoindre d'autres Mondes. Laissez vous faire, lâchez le filin, juste un instant et là, accroché à l'aileron de son talent, aspirez profondément et prenez le grand large...

1 commentaire:

  1. tu as un tel talent d'écrivain, que j'en perds le souffle moi aussi !
    et la bande sonore en plus !!! pfffff ....... génial !
    merci Maia pour ce pur moment de plaisir !
    marty

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